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Vous, monsieur Le Prieux… Vous ! Ah ! merci d’être venu !… » En prononçant ce mot de « merci, » le jeune homme était dans la logique des pensées qui se succédaient en lui depuis sa cruelle conversation avec Reine. Une fois passée la première crise de désespoir, qui l’avait jeté gémissant sur le banc de la terrasse des Tuileries, il avait eu le sursaut d’énergie de l’amour qui, malgré tout, se sait partagé. Il s’était relevé en se disant : « Je l’aime. Elle m’aime. Je ne peux pas la perdre ainsi… » Et il était revenu rue d’Assas, précipitamment, comme s’il espérait y trouver une lettre de Reine. Espoir insensé qui prouvait à quel degré il était, même après ses dénégations, sûr du cœur de sa cousine ! Aucun message ne l’attendait. Il avait pleuré de cette déception, seul, enfermé dans son petit logement d’étudiant. Puis il avait essuyé ses larmes courageusement, et il avait commencé de réfléchir, en se demandant quelle démarche il allait tenter. Les passions des Méridionaux de pure race, comme lui, s’accompagnent presque toujours d’une lucidité dans l’ardeur qui rappelle la clarté brûlante de leurs horizons et aussi l’hérédité latine. Celui-ci avait eu, même dans son chagrin, besoin d’y voir clair, et il s’était efforcé de dégager, dans la situation présente, les faits indiscutables. — Le premier, le plus évident, celui auquel il venait de se cramponner aussitôt, comme on a vu, par cet instinct de conservation que nos passions possèdent, comme des créatures, c’était que Reine l’aimait. —