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aussi devant son désir ? Cette double vision fut si pénible à l’artiste déchu, au père inquiet, qu’il la repoussa de toutes les forces de son vieux et toujours vivace amour pour cette femme, si passionnément obéie et servie depuis tant d’années, et, recommençant de marcher dans la direction de la rue d’Assas, il raisonnait : —«  La faute n’en est pas à ma pauvre Mathilde. A-t-elle jamais pu savoir que j’aurais désiré une autre vie ? Lui en ai-je jamais parlé ? C’est une âme si vraie, si droite, si dévouée. Elle a cru que tout était pour le mieux ainsi, comme elle croit que tout est pour le mieux, dans ce mariage avec le jeune Faucherot. La faute en a été à mes silences, à cette timidité qui m’a toujours empêché de me montrer, même à elle, dans la vérité complète de mes aspirations… Reine me ressemble, par là encore. Même à moi, elle ne m’a pas dit qu’elle aimait quelqu’un… Quand nous avons parlé du projet Faucherot, l’autre soir, sa mère et moi, si j’avais su ce que je sais ! Mais je ne savais rien, que par divination… Ah ! il faut que j’aie des faits positifs, un aveu… Mathilde alors sera la première à ne pas vouloir ce mariage, dont j’avais l’horreur, d’instinct… Mon Dieu ! Pourvu que Charles soit là !… Mais est-ce Charles qu’elle aime ? Hé ! Comment ne serait-ce pas lui ? De tous les jeunes gens que nous recevons, c’est le seul qui la mérite… Et là-bas, qu’ils seraient heureux !… » Hector entrait dans le jardin du Luxembourg, comme il se prononçait à lui-même ces mots. Il