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Pourquoi s’engageait-il maintenant, d’un pas hâtif, dans la rue de Lisbonne, puis sur le boulevard Malesherbes, avec l’espérance que Fanny Perrin l’aurait attendu, qu’elle allait réapparaître et lui parler de nouveau ? Qu’avait-elle pourtant à lui apprendre, qu’il ne sût déjà ? Les quelques paroles qu’elle avait prononcées correspondaient trop intimement à ses propres sentiments, leur accent était trop évidemment sincère, pour qu’il en suspectât la vérité. Quant au nom, que la vieille demoiselle avait déclaré ne pas pouvoir révéler, le père avait-il besoin de ce complément de confidence pour le connaître ? Aussi certainement que si Fanny Perrin fût allée jusqu’au bout de sa confidence, il savait que le jeune homme aimé par Reine était Charles Huguenin. Mais toutes les passions se ressemblent par ce double et contradictoire caractère : la certitude dans l’intuition, et l’appétit, la frénésie de tenir la preuve positive de ce dont elles ne se doutent pas. Quand il se fut bien convaincu que l’institutrice ne reviendrait plus, Hector héla un fiacre, et il donna au cocher une adresse qui n’était ni celle de Crucé, ni celle de l’endroit où se réunissait le comité qu’il aurait dû présider. Il allait rue d’Assas, chez Charles Huguenin ! Quant à la lettre de Mme Le Prieux, il l’avait déchirée déjà en cinquante morceaux, presque rageusement, et le vent emportait ces parcelles de papier parfumé sous les pieds des passants, sous les sabots des chevaux, dans toutes les poussières du pavé, derrière la voiture où Hector était assis, en proie aux plus violentes