Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/240

Cette page n’a pas encore été corrigée

elle et Reine il s’était échangé des paroles qu’il ne connaissait pas. Un drame clandestin se jouait chez lui, autour de lui, dont les éléments lui échappaient, et cette impression lui était deux fois cruelle. En premier lieu tout l’avenir de bonheur de sa Reine s’y trouvait intéressé. Puis, admettre ce drame secret dans son ménage, c’était admettre chez sa femme la duplicité de l’épouse et la dureté de la mère. — Et comment continuer à entretenir le mensonge intime dont son amour avait besoin ? Hector était donc sorti de la maison parmi ces pensées, et il commençait de descendre sur le trottoir de gauche vers l’église Saint-Augustin, lorsqu’il vit se détacher de la rue de Lisbonne, et se précipiter au-devant de lui, presque en courant, une femme, dans laquelle il reconnut, avec stupeur, la « promeneuse » habituelle de sa fille : Fanny Perrin elle-même. La vieille demoiselle s’était embusquée là, depuis qu’elle avait quitté Reine, ne se décidant ni à monter dans l’appartement où elle aurait demandé M. Le Prieux, ni à s’en aller. Elle avait laissé passer les minutes, oubliant et l’heure de son déjeuner, et, distraction beaucoup plus extraordinaire chez une personne aussi ponctuelle et aussi pauvre, l’heure d’une leçon de piano qu’elle avait à donner aux Batignolles. Elle attendait la sortie de Le Prieux, sans même avoir pu prendre une résolution précise sur ce qu’elle lui dirait. Mais elle l’attendait, le cœur battant, la gorge serrée, comme contrainte à cette action par une force