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Il suffisait qu’au lieu d’attendre le samedi, comme il était convenu, elle acceptât dès maintenant le projet de mariage avec Edgard Faucherot. Ce qui caractérise les coups de tête, c’est la rapidité avec laquelle nous usons, pour les exécuter, de l’énergie que nous sentons disponible, comme si nous n’étions pas sûrs de la retrouver plus tard à notre service. Plus tard, en effet, et sortie de son premier accès de souffrance aiguë et d’indignation. Reine aurait-elle eu la force de prononcer la phrase qu’elle dit à sa mère aussitôt : — « Maman, j’ai bien réfléchi à notre conversation d’hier, et je peux vous donner ma réponse dès aujourd’hui. Si M. Edgard Faucherot me demande en mariage, je l’accepterai… » Elle avait, en parlant, la voix saccadée et comme métallique, ses yeux brillaient d’un éclat de douleur, et la brûlure de ses joues achevait de révéler sa fièvre intérieure. Tous ces signes, et la promptitude de cette volte-face dans une résolution si grave, auraient dû éclairer Mme Le Prieux, d’autant plus qu’elle avait pu lire, entre les lignes de la lettre de la mère de Charles, le secret du roman des deux jeunes gens. Mais, d’une part, elle était trop persuadée qu’elle assurait le bonheur futur de sa fille pour éprouver le moindre remords, et, de l’autre, elle avait trop de sens pratique pour chercher les causes d’un consentement qu’elle n’espérait ni si prompt ni si facile. Le plus sage n’était-il pas de profiter de cette favorable disposition, d’où qu’elle vînt ? Et qui sait ? Le contentement de cette femme