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rideaux de foulard incrusté de guipure ; et cette pièce était cette même chambre à coucher de style Empire, aux tapis vert tendre, aux tentures de soie jaune, où, la veille, Reine avait été initiée au coût du décor dans lequel sa jeunesse avait grandi. Aussitôt la porte fermée, et avant même d’aller chez elle ôter son chapeau et sa jaquette, la malheureuse enfant avait demandé où était sa mère, et sur la réponse du groom : « Madame est dans sa chambre, » elle s’y était dirigée tout droit. Elle avait trouvé Mme Le Prieux assise à son bureau, toute prête pour la sortie de l’après-midi, — elles devaient se rendre ensemble à une exposition de cercle, — et en train d’écrire des lettres. Elle portait une robe de drap épais, d’un gris d’argent, avec des panneaux de velours brodés de grandes fleurs ton sur ton et une bordure de chinchilla. La perfection d’ajustage de cette toilette lui donnait comme un air d’uniforme et de parade, en même temps que l’ordre et la complication des objets rangés sur la tablette du bureau attestaient la besogne d’une immense correspondance, celle d’une femme qui n’a jamais commis la plus légère faute d’orthographe en politesse. Que « d’expressions de ses douloureuses condoléances », que de « sympathies émues », que « d’affectueux compliments » elle avait tracés de sa grande écriture, si banale dans ses hautes allures aristocratiques, et sur des papiers tous du format et de la couleur voulus ! Au bas de combien de réponses à des invitations avait-elle mis ce Durel-Le Prieux qu’elle avait adopté