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servent de prologue, fut véritablement une de ces échéances auxquelles croyait l’Empereur. Celle-ci fut humble et secrète. Il en est d’éclatantes et de retentissantes. Peut-être l’esprit d’équité qui gouverne les choses humaines apparaît-il comme plus redoutable dans ses plus obscures exécutions.

J’ai dit que Corbières était mon camarade. Nous nous étions connus au lycée Louis-le-Grand, dont il suivait les cours en qualité d’externe, tandis que j’étais, moi, externe aussi, mais élève d’une institution fermée. Dans ces vastes fournées scolaires que l’on appelait des classes, une telle connaissance n’était qu’un prétexte au tutoiement. Nous avions, Eugène et moi, écouté les mêmes professeurs, appris les mêmes leçons, mis en vers latins les mêmes matières, plusieurs années durant, sans nous être parlé que pour nous dire : « bonjour, bonsoir. » Nous fîmes la découverte l’un de l’autre, comme il arrive souvent à des condisciples de collège, après le collège, et quand nous nous trouvions tous deux engagés sur des chemins bien opposés. Mais justement nous apportions à des travaux, d’ordres différents jusqu’à en être contradictoires, ce même souci des problèmes de notre temps, ce même besoin de mettre en accord le déterminisme intellectuel et l’action civique, où je crois discerner la marque particulière de notre génération. C’était au printemps de 1873 qu’eut lieu ce renouveau de camaraderie, et à la suite d’une rencontre qu’il me faut bien, celle-là, uniquement attribuer au hasard. Les