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Ainsi vous allez vous marier avec un autre !… » il répéta « avec un autre », puis, toute la fureur de la jalousie éclata dans ses yeux, et, ne mesurant plus ses mots : « Mais c’est infâme, ce que vous avez fait là ! C’est abominable ! Est-ce que je méritais que vous me traitiez de la sorte ?… L’autre soir, c’était si simple, quand je vous ai parlé, pourquoi ne m’avez-vous pas arrêté tout de suite ? Et auparavant, vous aviez bien vu que je vous aimais. Pourquoi m’avez-vous laissé croire que vous partagiez mon sentiment ? Pourquoi venez-vous d’essayer de me le faire croire encore ?… Ah ! c’est abominable ! C’est abominable !… » — « Charles, » interrompit-elle suppliante, « arrêtez-vous… Vous me faites trop mal… Par pitié… Vous ne savez pas… Vous m’aviez promis de croire en moi… » — « Ah ! » dit-il, « comment voulez-vous que j’y croie maintenant !… » —« Vous ne croyez plus en moi ? » demandât-elle en s’arrêtant, comme si elle ne pouvait plus avancer. — « Non, » répondit-il brutalement. Il n’eut pas plus tôt jeté ce terrible monosyllabe que déjà le remords de son blasphème entrait en lui, à constater la nouvelle décomposition des traits de Reine. Les paupières de la jeune fille battirent, sa bouche s’ouvrit pour chercher l’air qui lui manquait, et elle s’appuya contre un arbre, comme si toutes les choses tournaient autour d’elle, et qu’elle-même fût sur le point de tomber. Il s’approcha pour la soutenir,