Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/218

Cette page n’a pas encore été corrigée

tout éveillé. Vous êtes là, Reine, et vous me dites que vous ne voulez plus m’épouser ?… » — « Que je ne peux plus, » interrompit la jeune fille d’une voix si faible que son cousin l’entendit à peine, emporté maintenant qu’il était par la vague de sa propre passion. — « Et vous voulez, » continua-t-il, « que j’accepte cette résolution sans même essayer de savoir d’où elle vous vient, qui vous l’a inspirée, pourquoi vous avez changé ?… » — « Je n’ai pas changé, » interrompit-elle encore. — « Vous me dites que vous avez été sincère avec moi l’autre soir, » continua l’amoureux blessé, sans relever ce mot, « et que vous êtes aujourd’hui dans les mêmes sentiments… Si c’est vrai, qu’y a-t-il alors ? Que s’est-il passé ? On n’enlève pas à quelqu’un toute sa joie de vivre, toute son espérance, sans qu’il ait le droit de défendre ce bonheur et cette espérance… Non, Reine, ce n’est pas possible… Pour que vous me parliez comme vous venez de faire, après m’avoir parlé comme vous m’avez parlé mercredi, il faut, je vous le répète, qu’il se soit passé quelque chose, et quelque chose de très grave… Mais quoi ? Mon Dieu ? Mais quoi ?… Est-ce que votre père s’oppose à ce mariage, ou votre mère ? Non. Puisqu’ils ne vous ont pas dit qu’ils avaient reçu la lettre de maman. A moins que vous ne leur en ayez, vous, parlé la première ? Je vous en conjure. Reine, est-ce cela ? » — « Non, » eut-elle la force de répondre. — «