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reprit-il. « Ah ! Reine, vous avez donc oublié tout ce que nous nous sommes dit l’autre soir, et ce que vous m’aviez permis d’espérer ?… Avez-vous pu douter que je n’aie tenu ma promesse, et tout de suite ? J’ai écrit à ma mère le soir même, et elle m’a répondu courrier par courrier, avec quelle joie de penser qu’elle allait vous avoir pour fille, avec quelle tendresse pour vous, je vous assure que vous en serez touchée !… Sa lettre à votre mère est partie par la même poste. On a donc dû l’avoir chez vous lundi matin au plus tard… Quand j’ai reçu votre dépêche, j’ai pensé que Mme Le Prieux faisait quelque objection et que vous vouliez m’en avertir… Mais qu’avez-vous ?… » Tandis qu’il parlait, une pâleur de mort avait envahi les joues de Reine. Elle venait d’éprouver une peine d’une acuité surprenante, à soudain apprendre que sa mère avait reçu cette lettre demandant sa main. Et cette mère ne lui en avait rien dit ! Elle ne l’avait pas laissée libre de choisir entre le bonheur et le sacrifice ! La dureté de cœur de Mme Le Prieux, dont elle avait tant souffert, sans se l’avouer jamais, lui avait été une fois de plus rendue sensible, et, douleur pire, l’évidence de sa duplicité. Elle se domina pourtant, et elle répondit, en ayant soin de passer vite sur cette dangereuse question : — « Je ne suis pas très bien ce matin… J’ai été troublée davantage quand vous m’avez parlé de la joie de Mme Huguenin et de son indulgence à mon égard… » Puis, implorante et résolue tout