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disons-le à son honneur, quelques mots destinés à jouer devant le chaperon l’étonnement d’une rencontre inattendue, et Reine l’interrompait, afin d’épargner et à lui ce petit mensonge, et à sa compagne l’équivoque d’une situation fausse : — « Non, mon cousin, ne dites pas cela… Mademoiselle Fanny sait que je vous avais demandé de vous trouver ici… Elle m’estime et elle m’aime assez pour comprendre que si j’ai voulu avoir un entretien avec vous, c’est que je le devais… Elle a eu foi en moi, n’est-ce pas, Fanny ?… » — « C’est vrai, » répondit celle-ci, qui, s’arrêtant de marcher, fit signe aux jeunes gens de la précéder de quelques pas. L’humble vieille fille avait mis tant de sérieux ému, de dignité même, dans ce geste qui eût pu être si servile, le sérieux de l’accent de Reine avait été si solennel que Charles devina ce qu’il n’avait pas su lire entre les lignes de la dépêche : ce rendez-vous, qu’il avait trouvé tout naturel, après leurs fiançailles secrètes, était d’une gravité exceptionnelle. Son mobile visage cessa d’exprimer sa gaieté tendre de tout à l’heure, et il interrogea : — « Mais que se passe-t-il, ma cousine ?… Vous semblez si troublée, si bouleversée… Vous avez dit que vous deviez avoir cet entretien avec moi, comme s’il vous coûtait. Pourtant notre dernière conversation et la lettre de ma mère… » — « Votre mère a écrit la lettre ? » interrompit Reine avec une vivacité qui déconcerta Charles. — « Mais de quel air vous me demandez cela ? »