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paternel, — dans cette belle terre de vignobles et d’oliviers, étalée à quelques lieues des Martigues, sur le bord du golfe de Fos, — l’argent ne lui semblait pas plus devoir jouer un rôle dans ce mariage qu’il ne jouait un rôle dans son cœur. Il n’avait pas réfléchi davantage aux anomalies qu’un jeune Parisien eût discernées dans les relations mondaines des parents de sa cousine. Le Monde — tout court — lui représentait, comme à la plupart des garçons de sa classe, quelque chose d’indéterminé et d’indéfinissable, une espèce de lieu vague où les « arrivistes », dont il n’était pas, se livraient à de savantes intrigues, matrimoniales ou autres, tandis que les simples, comme lui, y subissaient des corvées intimidantes, à la fois frivoles et nécessaires, quand le hasard voulait qu’ils y fussent apparentés. Pour Charles Huguenin, M. et Mme Le Prieux étaient des gens du monde, comme son père et sa mère à lui étaient des propriétaires de campagne, par une conformation originelle qu’il admettait sans en caractériser ni les conditions ni les causes. C’était ainsi, voilà tout. Avec ce tour d’esprit et ces idées, pouvait-il même soupçonner les réalités contre lesquelles Reine se débattait depuis la veille, et les motifs de la décision inattendue qu’elle venait lui signifier ? Pauvre et romanesque Reine et qui ne soupçonnait guère elle-même quelle interprétation elle risquait de soulever par sa démarche de rupture, si complètement inexplicable au jeune homme !… Mais déjà ils s’étaient abordés. Charles balbutiait, très gauchement,