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pour le cours… Heureusement, il fait si beau à marcher, ce matin… » Il y avait, dans cette dernière petite phrase, accompagnée d’un regard ému, toute la finesse féminine dont est capable une vieille demoiselle de cinquante-cinq ans, qui ne veut pas avoir dit un « oui » formel devant une requête trop évidemment liée à une histoire d’amour, et qui pourtant dit « oui », et qui se sent bien bouleversée de cette complicité !… En fait, lorsque, deux heures plus tard, les deux amies se retrouvèrent, le cours fini, sur le trottoir de la rue Royale, et qu’elles se dirigèrent, sans autre explication entre elles, comme d’un tacite accord, vers la place de la Concorde et la grille des Tuileries, celle dont le cœur battait le plus vite n’était pas Reine. A vingt reprises, durant les cinq minutes qu’elles mirent à franchir cette courte distance, le scrupule du « chaperon » faillit être plus fort chez Fanny Perrin que sa quasi-promesse, et puis, de regarder Reine et l’expression tout ensemble fervente et souffrante de ce noble visage arrêtait l’objection dans sa conscience et sur ses lèvres. Les deux femmes arrivèrent ainsi, sans avoir échangé une parole, sur la terrasse de l’Orangerie, où elles reconnurent, et cette fois avec une émotion égale, quoique d’une nature si différente, la silhouette de Charles Huguenin, qui les attendait, et c’était vraiment un cadre idéal pour un adieu, comme celui au-devant duquel venait Reine, que ce coin du peu idéal Paris, par cette matinée glacée et brumeuse d’hiver.