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Et avec quelqu’un que je n’aime pas, » répéta Reine. Ce fut au tour de Fanny de se taire. Elle avait depuis longtemps deviné le sentiment de Reine pour son cousin, sans jamais y faire allusion, et elle n’aurait pas osé en parler la première. De son côté, Reine se repentait déjà d’en avoir trop dit. Elle prit la main de son humble compagne, et suppliante : — « Je viens de mal m’exprimer, Fanny. Ne croyez pas que personne veuille me forcer à ce mariage. On m’en a parlé, et c’est moi qui trouve plus raisonnable de ne pas m’y refuser… Cela, d’ailleurs, n’a rien à voir avec la demande que j’ai à vous faire… J’ai besoin, » et elle mit dans ce mot qu’elle souligna en le répétant, toute la douloureuse énergie d’un appel suprême : « J’ai besoin de parler à quelqu’un pendant quelques minutes en tête à tête. J’ai écrit à ce quelqu’un de se trouver sur la terrasse des Tuileries, au sortir du cours… Si vous me dites que vous ne voulez pas m’y accompagner, je n’irai pas. Quant au motif qui m’oblige à cette démarche, épargnez-moi toute question là-dessus, je vous en conjure, si vous m’aimez… Soyez sûre seulement que je vous estime trop pour vous associer à quoi que ce soit de mal !… » — « Chère Reine ! » interrompit vivement la vieille fille, « je le sais… » et, sans répondre directement à la demande de la jeune fille : « Allons, il faut nous dépêcher. Nous serions en retard