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et à l’arrogance trop soulignée de l’autre ? Qui définira jamais cet ensemble de riens qui se résume dans ce mot de race ? Ces riens ne sont sans doute que la transparence de secrets et incontrôlables éléments cachés au fond de notre être le plus intime, qui nous interdisent ou nous commandent certaines façons de penser. Celle que Mme Molan appelle du trop joli surnom de « Snobinette », en donne une preuve de plus en disant à Reine, après cette première effusion : — « Est-ce que ce n’est pas la duchesse de Contay qui sort d’ici ?… Et moi qui veux tant faire sa connaissance. Pourquoi ne m’avez-vous pas prévenue ?… Voilà ma guigne. Je l’ai manquée à cause d’un embarras de voitures. Imaginez-vous. J’ai dit à mon cocher de prendre par les petites rues… Il n’y a rien d’ennuyeux au fond comme une paire de chevaux de dix mille francs. On a toujours peur pour eux… Oh ! vous avez bien raison, ces dames et vous, de n’avoir que de bons petits locatis… On fait de la route, au moins… » Et la mère d’Edgard continue, sans s’apercevoir du pli de moquerie que sa sottise de parvenue met aux lèvres des deux futées Parisiennes à qui elle parle, ni de la mélancolie que cette même sottise met dans les prunelles de celle qu’elle a choisie pour sa future belle-fille, et qui essaie de l’interrompre en lui disant : — « Du thé ou du chocolat ?… Il faut boire quelque chose de chaud par ce temps froid ?… » — « Qu’a pris la duchesse ? » demande madame