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la mère, à en juger par les approbations dont elle les ponctue, qui paraissent presque froissantes à la susceptible Reine. Ce sont celles que les deux cousines, Mme Abel Mosé et Mme Andermatt, échangent, non moins ingénument que la duchesse tout à l’heure, sans se douter, — car elles sont bonnes et généreuses, — de l’ironie que représente dans ce milieu, où l’élégance est un tour de force, la naïveté de leurs allusions à certains chiffres de dépenses : — « Oui, » disait Mme Andermatt, après avoir raconté les détails d’une séparation à l’amiable dans un ménage qui la touche de près : « Salomon », c’était son mari « est arrivé à prouver à Saki », c’était le mari de la femme séparée, « qu’il devait se conduire comme un gentleman. Ils ont beau ne pas s’entendre, il n’a rien de grave à reprocher à Esther. Elle est la mère de ses deux fils… Il se doit à lui-même qu’elle vive décemment… Saki est convenu de tout cela, et savez-vous combien il lui fait ?… » — « Riche comme il est, » souligna Mme Mosé, « car il a au moins cinquante millions… » — « Hé bien ! » continua Mme Andermatt, « soixante mille francs de rente, six mille francs par mois… Ce qu’elle dépensait chez sa lingère… Comment va-t-elle vivre ?… » Oui, comment la jeune baronne Esther Wismar va-t-elle vivre ? C’est ce que se demandent, visiblement apitoyées, avec le plus impayable sérieux, les cinq personnes qui écoutent cette révélation