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désemplisse pas, et qu’il y défile, comme par ce Mardi, quarante personnes, hommes et femmes ? Et n’est-il pas bien légitime que la créatrice de ce « salon » regarde, avec orgueil, à la clarté des lampes électriques, les visages frais ou fanés sourire sous les chapeaux ? Elle sait également, et ce qu’il faut dire à chacune de ses visiteuses pour amener ce sourire, — et ce que coûte le chapeau. Elle sait ce que valent toutes les toilettes, — et la manière de prendre chacune de ces trente vanités parées. Il y a une chose pourtant qu’elle ne sait pas, c’est combien Reine est fatiguée de verser des tasses de thé ou de chocolat et d’offrir des gâteaux à ces indifférentes et indifférents, combien elle est excédée de ces discours qu’elle sait par cœur. Qu’elle en a assez, par exemple, d’entendre la duchesse exposer ses plans pour une fête de charité, la cinq centième qu’elle organise ! C’est une énorme femme, à mine de vendeuse aux halles, très rouge et très hautaine, qui a un très grand air avec une figure épaisse et qui parle haut, en coupant ses phrases d’un « pas plus » inexplicable chez elle, sinon parce qu’elle a trop quêté : — « Cette fois, c’est le palais de l’Industrie qu’il nous faudrait et pour deux jours. Pas plus. A vingt francs l’entrée, et cinq francs chaque visite à un des compartiments. Pas plus… Il y aurait vingt de ces compartiments, pas plus, et dans chacun, pendant une demi-heure, durant ces deux jours, tous les hommes célèbres de Paris viendraient travailler sous les yeux du public, comme ils travaillent dans leur