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cousin seule à seul était impossible à la maison. Il n’aurait lui-même jamais demandé à être reçu par Reine en l’absence de Mme Le Prieux, et rien qu’à la pensée qu’il viendrait peut-être à leur « jour », et qu’il faudrait le voir, observée par sa mère, sans lui parler en toute franchise, la jeune fille se sentait défaillir. Le temps passait cependant. Justement, le lendemain matin, elle devait, accompagnée par la fidèle Fanny Perrin, aller à un des cours à la mode que son éducation élégante la contraignait de suivre, rue Royale. Il lui arrivait souvent, lorsqu’il faisait beau, de se promener un peu à la sortie, avec son chaperon, avant de rentrer. Sa première idée fut de donner un rendez-vous à Charles aux Tuileries ou aux Champs-Elysées, pour le lendemain matin. Ils se rencontreraient, comme par hasard, et feraient quelques pas ensemble. Cela aussi était arrivé plusieurs fois. Oui, c’était un moyen très simple et très sûr. Reine alla jusqu’à sa table, et prit une petite dépêche bleue, puis, au moment de tremper sa plume dans l’encre, elle s’arrêta. Une autre pensée venait de se présenter à elle : ce n’étaient ni cette lettre à écrire, ni ce rendez-vous à fixer qui l’effrayaient soudain. A maintes reprises, Mme Le Prieux l’avait chargée de prévenir son cousin par des billets, pour un déplacement d’invitation, pour une place dans leur loge au théâtre, et d’autre part, elle avait le droit de se dire qu’en provoquant ce tête à tête, elle n’obéissait qu’aux motifs les plus élevés. Ce n’était pas non plus d’agir à l’insu de sa mère qui la troublait ainsi. L’espèce