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de quel autre ! Cette évocation lui fut si dure qu’elle reposa le portrait et qu’elle se mit à marcher dans la prison de cette étroite chambre, tournant et retournant l’unique pensée où allaient s’absorber les forces vives de son être : — « Comment lui annoncer l’affreuse nouvelle, et que lui dire ?… » Oui, que lui dire ? Et cependant, il fallait que ce fût elle-même qui lui parlât. Reine était trop intimement, trop strictement loyale pour ne pas le comprendre : du moment qu’elle acceptait l’idée d’épouser un autre homme, après la conversation qu’ils avaient eue ensemble, elle devait à Charles une explication, et elle la lui devait immédiate. Ne l’avait-elle pas autorisé à faire faire par Mme Huguenin une démarche dont l’idée augmentait à présent sa détresse ? Trop absolument confiante dans sa propre mère pour imaginer que celle-ci eût pu recevoir la lettre de la mère de Charles et la lui cacher, elle tremblait, maintenant, que cette lettre ne fût en route, — après l’avoir tant désiré ! Si seulement Mme Huguenin avait hésité, si la lettre n’était pas partie, s’il était temps encore d’empêcher qu’elle ne fût écrite, et d’épargner cette humiliation aux parents de celui qu’elle aimait ?… Pour cela, il fallait parler, et tout de suite. Reine en revenait toujours là. Parler, mais comment ? Cet entretien où elle verrait son ami souffrir, et souffrir par elle, lui apparaissait tout ensemble comme inévitable et comme impossible. Quel prétexte trouver, pour justifier un retour sur la parole donnée, qu’elle-