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r jeunesse, et combien, l’âme est, à cet âge, prompte aux élans magnanimes. En tout état de cause, Reine eût eu bien du mal à repousser un appel comme celui que sa mère avait eu l’habileté de lui adresser. Cette résistance devenait impossible dès l’instant que son père aussi lui demandait ce sacrifice, et comme on a vu, c’avait été le machiavélisme suprême de Mme Le Prieux de lui faire entendre cela. Pourtant, on l’a vu encore, la douce Iphigénie de cette tragédie bourgeoise avait, sans se refuser au couteau, demandé un sursis. Pourquoi ? C’est qu’en acceptant l’idée de s’immoler aux volontés de son père et de sa mère, elle n’avait pu s’empêcher de se souvenir qu’elle immolerait du même coup quelqu’un d’autre, et elle ne voulait pas, elle ne pouvait pas accepter d’accomplir cette immolation sans avoir jeté vers ce quelqu’un, sous une autre forme, le cri de la vraie Iphigénie : Le ciel n’a point aux jours de cette infortunée Attaché le bonheur de votre destinée. Notre amour nous trompait… Cela ne s’était pas formulé dans sa pensée avec la netteté d’un projet. Non. Elle avait seulement, pendant que sa mère lui parlait, senti toute une place de son cœur, — celle où grandissait, où fleurissait le songe de la vie avec Charles, — se remuer et saigner. Elle ne réalisa la complète vérité du martyre auquel l’amour filial allait la condamner, qu’une fois retirée seule dans sa chambre, en attendant, — par une cruelle ironie du hasard, ce mardi était le « jour » de Mme Le Prieux, — qu’elle s’habillât