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et pour moi ? Des dettes ? Ah ! maman, que vous avez raison de ne pas vouloir que mon père le sache. Mais comment allons-nous les payer sans qu’il travaille davantage ?… Mon Dieu !… » ajouta-t-elle timidement, « maintenant que notre position est faite, comme vous dites, est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de nous restreindre ?… »

— « Et sur quoi ? » interrompit la mère, « et pourquoi ?… Pour perdre de nouveau ce que nous avons si péniblement conquis. Non, mon enfant, tu ne connais pas la vie. A Paris, réduire son train, c’est un suicide social. J’ai fait une fois déjà, quand j’avais ton âge, l’expérience de la terrible facilité avec laquelle le monde oublie les déchus… D’ailleurs, ne t’exagère pas les choses. Il ne s’agit que de retards. Nous sommes en arrière, avec nos fournisseurs, pour une quarantaine de mille francs, pas davantage, et cette misère serait vite payée, même avec du repos pour ton père, si… »

— « Si ? » interrogea la jeune fille, avec plus d’anxiété encore. Quoiqu’elle ne se permît pas de juger sa mère, elle ne pouvait s’empêcher de la connaître, et elle se rendait compte, rien qu’à l’accent dont avait été prononcé ce « si » que c’était là le point essentiel de cet entretien. — Oui, elle l’avait compris à l’accent, altéré d’une manière presque imperceptible, mais altéré cependant, avec le changement d’ordre d’idées, — au regard aussi, qui, dans l’inquiétude de rencontrer une résistance, s’adoucissait, se faisait presque suppliant. Évidemment les confidences de tout à l’heure