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toilette. Tu sais comme j’ai toujours soin d’éviter dans la mode ce qui est trop marqué, pour que nous puissions faire durer nos robes. Tu sais combien de fois on les transforme, on les rafraîchit à la maison. Nous n’allons chez les grands faiseurs que juste autant qu’il faut. Nous avons une petite modiste, un petit bijoutier. Nous n’avons pas de chevaux. Quand nous voyageons, ton père prend toujours un permis, et nous nous servons de son titre de journaliste pour obtenir dans les hôtels les arrangements les plus avantageux. Tout cela, je ne m’en plains pas, quoique j’aie été élevée à ne pas connaître ces misères. Ce qui m’est cruel, c’est qu’avec toute cette peine que je me suis donnée, pour lui, pour qu’il ait la situation sociale qu’il a, malgré sa profession, pour toi, pour que tu aies, comme jeune fille, les relations que tu dois avoir, je n’ai pas réussi à éviter ce que ma chère mère m’avait appris à avoir le plus en horreur. Un mot te dira tout, mon enfant : nous avons des dettes… » — « Des dettes ? » répéta Reine, que la phrase relative aux dépenses faites pour elle, avait atteinte en plein cœur. C’était vrai pourtant que rien n’avait jamais été ménagé ni pour son éducation, ni pour ses plaisirs, ni pour sa parure. Elle ne pensa plus à se demander la raison des confidences que lui faisait sa mère. Elle sentit seulement combien celle-ci lui avait été dévouée, à sa façon sans doute, mais c’avait été un dévouement tout de même, et la voix de la délicate enfant se fit basse pour répondre : « Des dettes ? Vous avez fait des dettes