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en demeura elle-même déconcertée. Elle le fut davantage encore de voir sa mère en prendre texte, pour passer à une nouvelle et très grave confidence : — « Je constate avec tant de joie que tu me comprends si bien, ma gentille Reine, » avait repris en effet cette mère : « Tu as les mêmes soucis que moi pour ce pauvre homme. C’est vrai. Il travaille trop pour son âge. Il se fatigue… Il travaillerait plus encore, s’il savait ce que tu vas savoir… Mais, auparavant, il faut que tu me jures, tu m’entends bien, que tu me jures que ce secret mourra entre nous… » — « Je vous le promets, maman, » répondit la jeune fille, qui n’ajouta pas un mot. Mais si Mme Le Prieux l’avait de nouveau regardée de son regard scrutateur, elle aurait pu constater qu’elle tremblait. Pourquoi ces autres préambules avant la question qu’elle attendait, et qui lui semblait, à elle, si simple à poser : « Ton cousin Charles veut t’épouser, que faut-il répondre ?… » Et, au lieu de cela, voici les mots qu’elle écoutait : — « Ce secret, ma fille, que ton père ignore, c’est que, malgré ce travail acharné de sa part, malgré des prodiges d’économie de la mienne, nous n’avons pas pu nous faire cette position de monde dont je te parlais tout à l’heure, sans que notre budget de dépenses dépasse depuis dix ans, et chaque année davantage, notre budget de recettes… Tu connais notre intérieur pourtant, tu vois toi-même que nous économisons sur tout — sur la table, quand nous sommes seuls, — sur la