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Je vous écoute, maman, je suis prête, » répondit Reine. Quoique sa chaude espérance de tout à l’heure se fût déjà changée, au simple son de cette voix, en une crainte que sa mère ne fît de grosses objections à son mariage avec leur cousin, elle ne doutait pas qu’il ne s’agît de ce mariage, et la pensée qu’elle allait avoir à lutter pour son amour mit un petit éclat de fierté sur son joli visage, tandis qu’elle ajoutait : « Mon père m’a déjà prévenue… » — « Ah ! ton père m’a devancée ? » fit Mme Le Prieux. « Il m’avait pourtant bien promis de me laisser te parler la première… » — « Il m’a dit seulement que vous m’attendiez, » interrompit la jeune fille, avec une rougeur à ses joues à cause de ce demi-mensonge, qui ne trompa aussi qu’à demi la mère. Elle eut de nouveau, pour sonder jusqu’au fond du cœur de son enfant, ce même regard aigu dont elle avait interrogé son mari dans le coupé, quand elle lui avait demandé : « Tu sais ce que pense Reine ?… » Elle tenait là, cachée dans son buvard, la lettre de Mme Huguenin, reçue la veille, et qui lui demandait, — ou presque, — la main de Reine pour Charles. Cette lettre, Mme Le Prieux considérait comme un devoir de ne pas en parler du tout à sa fille, et elle voulait n’en parler à son mari que plus tard, quand le mariage Faucherot serait déclaré. Elle se justifiait de ce double silence par ce qu’il y avait encore d’imprécis dans la démarche de la mère de Charles. Elle s’en justifiait surtout par la conviction où elle