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qu’ils veulent et comprennent, lui faisait observer avec une extrême rigueur les moindres précautions du régime qui devait lui conserver sa santé, et, avec sa santé, sa beauté. Vingt détails, dans cette chambre, attestaient d’ailleurs que le culte de Mme Le Prieux pour cette beauté ne se relâchait jamais, fût-ce en dehors de la représentation, ou mieux qu’elle était toujours en représentation, même quand son public se composait seulement de son mari, de sa fille et de sa camériste. Elle avait ainsi, pour l’heure qu’elle passait à se reposer au sortir du bain, un jeu complet de délicieuses vestes du matin, en foulard, en surah, en crêpe de Chine, en batiste, suivant la saison. Ce matin, elle en portait une en bengaline couleur vieux rose. Une écharpe de dentelle coiffait ses cheveux, qu’elle gardait la nuit en nattes, tressés très légèrement, pour les ménager, et des frisons artificiels encadraient son front. Elle employait ces boucles postiches, qu’elle quittait lors de sa toilette du soir, afin d’épargner à ses vraies boucles une double ondulation. La tonalité générale de sa chambre, avec ses murs tendus d’une étoffe de soie jaune aux raies alternativement mates et brillantes, avec le sombre acajou de ses meubles de style Empire, avec son tapis d’un vert tendre, avait été savamment combinée jadis pour s’harmoniser à son teint de brune à la peau mate. Elle avait, devant elle, posée sur un édredon de soie jaune, assorti à la nuance des murs, une large table mobile, aux pieds courts, qui lui servait à placer le buvard destiné à sa correspondance, à coté