Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/165

Cette page n’a pas encore été corrigée

de la mère de Charles était arrivée. Ses parents en avaient délibéré. On allait la laisser maîtresse de la réponse. Elle entendit de nouveau, en imagination et pour une seconde, le bruit du vent dans les pins et la stridente rumeur des cigales. Elle revit le petit mas dans son atmosphère de paix tant désirée, et elle se jeta sur le cœur de son père en lui disant : — « Que vous êtes bon et que je vous aime !… » — « Serait-ce vrai, comme le pense sa mère, qu’elle est toute disposée à ce mariage Faucherot ?… » se demandait Hector, en s’asseyant à sa table et commençant de compter les feuilles destinées à son Clavaroche. « Elle a bien compris qu’il s’agissait d’un mariage, et elle est trop fine pour ne pas avoir deviné lequel, — à moins que… » Et le digne homme appuya sa tête sur ses mains, dans l’attitude d’une méditation profonde. Pour la première fois depuis des années, il demeurait, devant son papier préparé, sans songer à sa besogne. Pourtant il n’osait pas le traduire, cet « à moins que… » dans sa vérité, ni se formuler à lui-même l’idée, énoncée à sa femme la veille et rejetée par celle-ci avec une si méprisante ironie. L’empire des caractères forts sur les caractères faibles s’exerce dans le domaine de la pensée, avant de s’exercer dans le domaine de la volonté. L’énergie avec laquelle Mathilde s’était récriée contre l’hypothèse d’un sentiment de Reine pour Charles Huguenin suggestionnait encore Le Prieux, et, doutant de sa propre