terroir. Il s’était proposé d’écrire une étude sur les poètes de sa province : Jean Dupin, Pierre et Jeannette de Nesson, Henri Baude, Jean Robertet, Blaise de Vigenère, Etienne Bournier, Claude Billard, Jean de Lingendes. Ces noms, et d’autres encore, qui ne sont même pas connus des bibliophiles les plus fureteurs, lui étaient familiers, et, par lui, à la jeune fille qui avait transcrit de sa main tous les extraits de ces auteurs, destinés à figurer dans le volume. Et elle continuait son monologue : « Mais non. Il finira ce livre chez nous… Il viendra y faire un séjour, en été, quand il n’y a plus de premières, au lieu d’aller dans ce Trouville, qui leur coûte si cher. Je lui installerai une chambre qui donne sur le bois de pins, et qui sait s’il n’aura pas là un retour d’inspiration ?… » Et elle le voyait, assis près de la fenêtre ouverte. Le bruit du vent dans la pinède emplissait l’immense espace, mêlé à la lointaine rumeur des lames sur la grève et au crépitement aigu des cigales. Reine voyait la main de son père sur la table, et sa plume tracer des lignes inachevées, qui étaient des vers !… Puis une autre image se présentait : « Et maman ? » se demandait-elle, « comment supportera-t-elle cet exil à la campagne ?… Bah ! nous la promènerons chez des voisins. Nous organiserons des parties. Charles est si bon ! Il a tant d’idées ! Il trouvera bien le moyen de l’amuser. D’ailleurs, si Pée écrit ce volume, c’est l’Académie… » Ce désir qu’au terme de sa longue carrière, le journaliste pût revêtir l’habit à palmes vertes et prononcer, sous la coupole, le
Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/160
Cette page n’a pas encore été corrigée