Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/150

Cette page n’a pas encore été corrigée

aussi snob que lui, » faisait l’autre, et il ajouta en riant : « et aussi gâteux… » — « Le fait est qu’il est d’un nul ! Sa dernière chronique était-elle assez coco ? On se demande comment c’est arrivé, un gaillard comme celui-là. » — « Le nouveau moyen de parvenir, par Hector Le Prieux, I volume, 3 fr. 50, » fit le brave Cartier, en bouffonnant : « axiome : on épouse d’abord une très belle femme… » — « Qu’entendez-vous par là ? » demanda l’autre. — « Mais ce que vous entendez vous-même, » fit Cartier, qui avait pressé sur un timbre et qui s’interrompit de sa rosserie, pour dire au garçon de bureau, venu à l’ordre : « Avertissez la composition que Le Prieux fera une colonne trois quarts… Je revois l’épreuve. Vous l’aurez dans dix minutes… Nous, qui ne sommes pas de la haute, si nous en culottions une… » Et l’obligé d’Hector le snob, d’Hector le gâteux, d’Hector le mari arrivé par la beauté de sa femme, bourra soigneusement une pipe d’écume qu’il alluma, de son air narquois d’excellent garçon, en reprenant les feuillets que Le Prieux avait déjà corrigés, pour les nettoyer de leurs dernières coquilles… C’était sa manière de payer sa dette envers son protecteur. Le secrétaire de rédaction était sincère dans ses diffamations, et dans la complaisance qu’il mettait à rendre ce service au vieux journaliste. Il lui était reconnaissant et il l’enviait, non pas de sa position littéraire, mais de sa voiture au mois, mais de ses relations dans la Haute, —