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Faucherot successeur, soie et velours. En permettant à son mari de s’échauffer, elle comptait bien qu’il arriverait à montrer le fond de sa pensée, et c’est ce qu’il fit en concluant, après un silence, et comme elle ne répondait toujours pas : — « Et puis, je passerais sur le fils, tu passerais sur la mère. Il resterait à savoir ce que pense Reine… » — « Ah ! » fit la mère avec un accent singulier, tout mélangé d’ironie et de curiosité : « Tu sais ce que pense Reine ?… C’est vrai. Elle s’ouvre un peu avec toi. Que t’a-t-elle donc dit ? » Il y eut un nouveau silence. La dominatrice venait, par désir de savoir si une autre démarche avait été faite auprès d’Hector, de toucher à la place la plus sensible et la plus secrète, la plus douloureuse aussi de ce cœur d’époux et de père, une place presque inconnue de lui-même. Pareil sur ce point à tous les hommes chez lesquels la timidité résulte, non pas des circonstances, mais de leur personne, et dont c’est la façon même de sentir, Hector se trouvait absolument déconcerté devant les natures très renfermées comme était celle de Reine. Que de fois, dans le regard de sa fille fixé sur lui, il avait aperçu, deviné plutôt, un mystère, des pensées et des sentiments qu’il avait eu à la fois désir et peur de démêler, peut-être parce que ces sentiments et ces pensées correspondaient à des choses secrètes de son propre cœur qu’il ne consentait pas à s’avouer ! Oui. Il savait ce que Reine pensait, mais il ne voulait pas le savoir. Il savait que cette