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pour avoir avec son mari la conversation qu’elle entama, aussitôt que le coupé, dégagé de l’encombrement de la place, eut commencé d’aller au plein trot de son cheval : — « Resterez-vous longtemps au journal, mon ami ?… » demanda-t-elle. — « Pas très longtemps, » répondit Hector. « J’ai écrit mon article ce matin, d’après le grand principe : ne remets jamais au lendemain ce que tu peux faire la veille… On n’a rien changé après la répétition générale. Quelques mots pour constater le succès, mes épreuves à revoir, — le tout me prendra une petite demi-heure. Mais pourquoi ?… » — « Parce que je voudrais vous parler en détail d’une chose tout à fait sérieuse, » dit Mathilde. Comme on voit, même dans l’intimité, elle était toujours la « belle Mme Le Prieux ». Le « tu » familier et bourgeois n’avait jamais cessé d’être de sa part une faveur, comme une dérogation à son rang de Déesse : « Si vous n’en avez que pour une demi-heure, je vous attendrai en bas dans la voiture… » — « M’attendre ?… » s’écria Le Prieux. « Alors je ne corrigerai pas l’épreuve, voilà tout. Ce brave Cartier s’en chargera pour moi. » Ce Cartier était le secrétaire de la rédaction, que l’obligeant Hector avait placé là et qu’il considérait comme lui étant tout dévoué. Après avoir hésité quelques secondes, il posa cette question, qui prouvait naïvement à quel point une certaine idée le préoccupait : « Une chose tout à fait sérieuse ? Est-ce qu’il s’agirait d’un mariage pour Reine ?… » — «