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sanglé par un corset à la dernière mode, la conscience de l’épouse et de la mère qui maintient son mari et sa fille au rang social où elle les a hissés, sans y être aidée par eux. Si, par hasard, Le Prieux se trouvait là quand sa femme jugeait ainsi Reine, il ne manquait jamais de dire, en haussant les épaules, le : « Mais non, mais non, » indulgemment grondeur, du mari qui trouve que sa femme parle un peu trop, et il détournait la conversation sur un autre sujet, par une de ses anecdotes favorites. Comme tous les conteurs, il n’en avait qu’un nombre restreint, toujours les mêmes et qu’il filait, avec les mêmes temps, le même appui de sa voix sur certaines syllabes, les mêmes effets. Elles sont, hélas ! c’est sa seule faiblesse, dirigées trop souvent contre des confrères qui ont le tort d’avoir quitté la presse pour le livre, et de gagner en librairie ce qu’il doit continuer à demander au journal : — « Reine s’amuse silencieux, » disait-il, « comme moi, c’est vrai. Vous, vous amusez bruyant. Voilà toute la différence. Mais elle a trop d’esprit et de bon sens pour donner dans le travers des gens d’aujourd’hui qui jouent aux ennuyés dans des endroits de plaisir, après avoir tout fait pour y aller… J’ai vu naître ce chic. Je me rappelle encore, il y a bien longtemps de cela : Jacques Molan, le romancier, était venu chez moi, rue Viète, m’implorer pour que je lui fisse obtenir une invitation à la redoute de bêtes de la comtesse Komow. Je la lui obtiens après beaucoup de démarches. Mais