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où ils sont pris ? Bien fin qui eût déchiffré la réponse à ces questions, sur la physionomie de l’infatigable articlier. Le jeune provincial, timide et ouvert, de 1866, s’était, peu à peu, avec les années, changé en un homme à l’abord surveillé, aux manières distantes, peu causeur, sinon pour conter quelque anecdote de vie parisienne, sur un ton de moraliste désabusé, en rapport avec le personnage qu’il adoptait décidément dans ses chroniques, celui d’un Desgenais de la haute bourgeoisie. Un peu alourdi par l’âge, mais toujours vigoureux et trapu, l’habitude de parader au théâtre, sur le boulevard, dans d’innombrables dîners et de plus innombrables soirées, avait imprimé à tout son individu cet air important, cossu, presque officiel, que l’on pourrait appeler « l’air ancien préfet ». La trace de ses énormes et inutiles travaux se reconnaissait à son teint, plombé par l’abus des veilles, et à son front, tout barré de longues rides sous ses cheveux grisonnants et coupés militairement. Mais quelles pensées s’agitaient derrière ce faciès, d’une froideur tout administrative ? La bouche, volontiers ironique sous la moustache en brosse, ne l’a jamais dit, elle ne le dira jamais. Pour qui eût eu le goût et le temps de déchiffrer des visages, — mais qui a l’un et l’autre à Paris ? — Hector Le Prieux n’était pas la seule figure énigmatique de sa maison. Depuis deux années environ, à cette date de 1897, les habitués des premières représentations voyaient, de temps à autre, quand la pièce était de celles qui conviennent