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III UN MÉNAGE PARISIEN : — LA FILLE

Que pensait cependant de cette « situation », l’ancien élève de George Sand, celui qu’elle appelait dans ses lettres « son petit Bourbonnichon », le poète des brandes solitaires et des étangs vaporeux, venu à Paris pour y conquérir la gloire d’un Mistral de l’Allier, et transformé, par la prudence héréditaire, puis par le mariage, en une vivante usine à copie ? Sa nature, sans fortes réactions et patiente jusqu’à en être docile, avait-elle subi, elle aussi, la contagion de la maladie de sa femme, de cette fièvre d’amour-propre mondain qui veut que l’on se compare sans cesse à plus riche que soi, et que l’on aille, outrant toujours ses dépenses, compliquant sa vie, sacrifiant follement, tragiquement parfois, l’être au paraître ? Restait-il, au contraire, au fond, tout au fond, le rustique et le simple d’autrefois, et assistait-il aux triomphes parisiens de sa Mathilde, en amoureux, qui s’immole avec délices aux goûts de celle qu’il adore, trop reconnaissant qu’elle daigne accepter cette immolation ? Ou bien, encore, avait-il jugé cette femme, et appartenait-il à cet immense troupeau des époux résignés, qui n’essaient pas de lutter contre la pression des circonstances, contre cet irrésistible engrenage