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doublent en s’y associant, foisonnent dans cette étrange ville, où règne comme une manie, une furie d’engouement, pour tout ce qui doit briller, ne fût-ce qu’un jour, sur le ciel changeant de la mode. Il y en a, de ces preneurs des vogues commençantes, pour les livres et les tableaux, pour les princes étrangers et les explorateurs, pour les pièces de théâtre et les jolies femmes. Disons-le bien vite, afin qu’aucune équivoque ne soit possible, et que, du moins, Mme Le Prieux n’encoure pas un soupçon injuste : les barnums de cette dernière espèce sont, le plus souvent, des patitos platoniques. Ils ont presque tous une pensée de derrière la tête qui n’a rien à voir avec ce que nos pères appelaient gaiement « la bagatelle ». S’ils veulent profiter du succès de la jolie personne qu’ils essaient de lancer ainsi, c’est pour des raisons de vanité ou d’intérêt. S’ils lui font la cour, c’est une cour très discrète, très paternelle ou très fraternelle, — selon l’âge. Elle consiste à donner, dans des restaurants élégants, des dîners que la jolie femme préside, et où elle se rencontre avec d’autres femmes et d’autres hommes, qu’elle a elle-même profit à connaître, et que le barnum a encore plus profit à lui faire connaître. S’ils lui demandent un rendez-vous, c’est pour l’accompagner à titre de cavalier-servant, et se faire voir avec elle dans quelques-uns des endroits où se passe la revue de ce Tout-Paris spécial : exposition d’aquarelles ou de fleurs, ouverture du Concours hippique ou séances de réception à l’Académie…