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eût passé inaperçue, comme lui-même, s’il n’eût pris aussitôt l’habitude de paraître aux premières représentations avec sa jeune femme, que bien peu de ses confrères, comme on l’a vu, connaissaient. La beauté de Mathilde, alors âgée d’à peine vingt-huit ans, était trop éclatante pour n’être pas immédiatement remarquée, dans ce milieu si peu renouvelé des grandes solennités parisiennes, où, comme disait l’autre, « ce sont toujours les mêmes qui se font tuer. » Parmi tous ces visages, tués en effet par les veilles, les abus de la vie nerveuse, le maquillage, et le reste, elle obtint aussitôt un très grand succès de curiosité. Le « service » du journal où écrivait son mari ne comportait pas encore les loges et les baignoires propices aux invitations qu’elle le décida plus tard à réclamer. Les places attribuées à Le Prieux, — au Théâtre-Français, au Vaudeville, au Gymnase, aux Variétés, à l’Odéon, partout enfin, — étant de modestes fauteuils de balcon, toutes les lorgnettes de la salle pouvaient détailler librement cette belle tête, d’un type si pur, et qui, au repos, dans l’absorption du spectacle, jouait merveilleusement la passion et l’intelligence. Mathilde n’aurait pas été la femme qu’elle était, si elle n’avait pas perçu ce triomphe par chacune des fibres de son être intime, et pensé à l’agrandir en le prolongeant. Paris non plus n’eût pas été Paris, s’il ne s’était pas rencontré, parmi les habitués des premières, quelqu’un pour s’instituer le barnum de ce succès naissant. Ces hérauts volontaires d’un triomphe qu’ils pressentent et qu’ils