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d’autrefois, — un autrefois si récent que cette chute, hors de l’Olympe des somptuosités, était pour elle comme un rêve. Le mirage de l’opulence perdue, cette maladie mentale propre aux gens ruinés, agissait en elle à son insu. Ce devait être, sans qu’elle le soupçonnât, l’idée directrice de toutes ses actions et de toutes ses pensées, et qui la conduirait à réaliser, petit à petit, une image, une parodie plutôt, de ce qu’aurait été son existence vraie, sans la débâcle paternelle. Les toutes premières satisfactions accordées à cette nostalgie du passé se traduisirent par de menues dépenses d’intérieur, qui, l’une dans l’autre, représentaient encore une soixantaine de louis de plus à gagner pour Hector. Mais, presque tout de suite, l’occasion surgit d’augmenter ses recettes du double : un périodique illustré lui offrait cent francs par semaine pour une chronique, signée encore d’un pseudonyme. Il choisit celui de Clavaroche, — quelle ironie ! — Le domestique mâle eut une petite livrée par surcroît ; les fleurs du « jour » vinrent d’une bonne maison, et aussi les petits fours ; les lampes se renouvelèrent, et aussi les étoffes des fauteuils ; — toutes élégances qui aboutirent à un déménagement indispensable. De la triste rue du Rocher, les meubles tentateurs, les tentures mauvaises conseillères et les bibelots trop chargés de souvenir émigrèrent dans un coquet petit hôtel neuf de la plaine Monceau, rue Viète. Un autre engagement, quotidien celui-là, cent lignes à envoyer chaque soir à un journal français de Saint-Pétersbourg, allait solder