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de toute espèce, en particulier ceux de la Bourse. De la famille de sa mère, elle gardait cet admirable type méridional, qui prend, lorsqu’il est très pur, des finesses et des élégances de médaille grecque. Elle avait de profonds et brûlants yeux sombres, sur un teint d’un blanc mat. Son front, petit et rond, se rattachait à son nez par cette ligne presque droite qui a tant de noblesse, et sa petite tête laissait deviner, sous d’épais cheveux noirs, cette construction d’un ovale allongé, où se perpétue la race de cet homo méditerraneus, de ce souple et fin dolichocéphale brun, louangé par les anthropologistes. Avec cela, de jolies dents, petites et bien rangées, entre des lèvres comme découpées au ciseau, tant elles étaient dessinées, un menton frappé d’une fossette et fermement doublé, une attache de cou digne d’une statuette de Tanagra avec un joli renflement à la nuque, des épaules et une gorge de Diane, la taille un peu haute mais bien prise, des pieds et des mains d’enfant, et cette démarche que les Arlésiennes ont rendue légendaire. Dans quelque position sociale que le sort jette une créature ainsi douée de la Grande Beauté, elle n’a qu’à paraître, pour exercer, même sans parure, un irrésistible prestige. Rien de plus dangereux pour une âme déjà inclinée par instinct à l’abus de la personnalité. L’excès de l’admiration continue abolit vite, chez les femmes qui en sont l’objet, toute capacité de se juger. Il en est d’elles comme des princes trop adulés et des artistes trop glorieux. Ces victimes de leur propre succès finissent