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un confident d’affaires. Les tragiques circonstances qu’on sait et l’effondrement du Crédit Départemental, en interrompant brusquement la fortune de Duret et l’acculant au suicide, semblaient devoir mettre fin à tout rapport de Le Prieux avec les survivantes de ce désastre. Il n’en fut rien. Il se mit tout entier au service de la pauvre veuve, qui fut trop heureuse de trouver, parmi les effroyables désarrois de cette ruine, le dévouement du modeste collaborateur judiciaire. Le jeune homme prodigua ses services, avec la ferveur d’une admiration ardente pour la belle et malheureuse Mathilde. Le reste se devine : et l’intimité grandissante, et la passion d’Hector, d’abord intimidé jusqu’à ne pas oser même espérer de jamais plaire, la reconnaissance attendrie des deux femmes, le ravissement presque épouvanté de l’amoureux devant les perspectives soudain découvertes d’une union possible, et la suite : innocente et délicieuse idylle dont le souvenir faisait battre le cœur de l’écrivain vieilli, après un quart de siècle, comme s’il était encore le modeste articlier de vingt-neuf ans, qui surveillait le transport de ses hardes et de ses livres dans l’appartement de sa belle-mère, — un bien mélancolique appartement pourtant, sur une cour, en haut de la rue du Rocher, — sans oser trop croire à la réalité de son bonheur.