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ce manque inné d’esprit d’entreprise, a-t-il, entre tant de carrières officielles et sûres, avec traitement fixe et retraite, qui s’offrent au Français moutonnier de notre temps, choisi la plus aventureuse, la plus féconde en imprévu, la moins conforme aux prudences bourgeoises ? Encore ici, alors qu’il paraissait faire preuve d’audace et d’originalité, le jeune homme avait simplement prouvé sa docilité aux influences, et son peu de confiance en ses propres forces. Voici comment. Le plus inattendu des hasards voulut que le père d’Hector, établi à Chevagnes en qualité de médecin, renouvelât connaissance, aux eaux de Bourbon-Lancy, toutes voisines, avec un de ses anciens camarades d’hôpital, établi lui-même près de Nohant, et qui soignait Mme Sand. Invité à venir à Chevagnes, le docteur berrichon causa beaucoup de son illustre cliente devant Hector, qui achevait alors sa rhétorique au lycée de Moulins, et, comme tous les collégiens de son âge, composait secrètement de mauvais vers. Admirateur passionné de Lélia et dIndiana, l’adolescent eut, à la suite de cette conversation, la première hardiesse de sa vie. Le présent récit racontera la seconde. Il osa écrire à la bonne dame de Nohant une épître, où il lui demandait des conseils sur la direction de ses idées religieuses ! Avec cette admirable générosité de plume, qu’elle garda jusqu’à la fin, malgré la surcharge de ses travaux, George Sand répondit à l’écolier. Elle ne se doutait pas que les quatre pages de sa lettre, tracées de la grande écriture ronde et un peu renversée