voulu que, poète, et toujours soulevé d’un élan fougueux de lyrisme, il naquît à l’ombre d’un hôpital, fils d’un père qui, dans son génie de grand chirurgien, méprisait le talent d’écrire. Enfin, après lui avoir donné une musculature d’Hercule, elle l’avait frappé au plus intime de sa force, de ce mal redoutable et mystérieux, que les anciens appelaient le mal sacré, si bien que ce géant infirme portait en lui-même, dans son âme et dans sa chair, comme un témoignage constant de notre puissance et de notre misère, de l’humanité supérieure et de la servitude animale.
Cet être, façonné à souhait pour l’inquiétude, avait été soumis, durant son adolescence, au même romantisme d’éducation que Maxime Du Camp, et sa jeunesse s’était heurtée au même milieu social. Avec quelle frénésie il se rebella, lui aussi, contre cette Société, combien il en détesta la médiocrité bourgeoise, et combien il en fut obsédé, avec quelle fureur de Titan écrasé il se débattit dans l’attente, dans l’usure quotidienne de ses forces inemployées, tous ses livres le racontent, car on pourrait dire que c’en est l’unique matière. Quelle influence il exerça sur Maxime Du Camp par cette identité momentanée de leur sort, les Souvenirs littéraires de ce dernier l’attestent et surtout le ton des lettres échangées entre eux vers cette date. Elles donnent le meilleur document pour qui veut connaître les dispositions alors si morbides de l’auteur des Forces perdues et comprendre à quel degré de misère intérieure le refus d’accepter la vie peut conduire deux jeunes hommes de grande race : « Ah ! la vie ! » s’écrient-ils, « nous en avons eu, tout jeunes, un pressentiment