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qu’Hubert lui avait fait des trois mille francs, dépensés sans doute, songea-t-il, à suivre cette femme.

— « Il m’a menti une fois encore, » s’écria Mme Liauran, « lui qui avait une telle horreur du mensonge. Ah ! comme elle me l’a changé ! » Ainsi, l’évidence d’une métamorphose de caractère subie par son fils la torturait dès ce premier jour. Ce fut pis encore durant ceux qui suivirent. Elle ne voulut cependant pas admettre tout de suite que son cher, son candide Hubert fût l’amant de Mme de Sauve. Elle ne se résignait pas à l’idée qu’il put se rendre coupable d’une faute de cet ordre sans de terribles remords. Elle l’avait élevé dans de si étroits principes de religion ! Elle ignorait que précisément le premier soin de Thérèse avait été d’endormir tous les scrupules de conscience de son jeune ami, en le conduisant, par d’insensibles degrés, de la tendresse timide à la passion brûlante. Pris au lacet de ce doux piège, Hubert n’avait à la lettre jamais jugé sa vie depuis ces cinq mois, et la nature s’était faite la complice de la femme aimante. Nous nous repentons bien de nos plaisirs, mais il est malaisé d’avoir des remords du bonheur, et l’enfant était heureux d’une de ces félicités absolues qui ne voient même pas les souffrances qu’elles causent. C’était cependant