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qui s’y appuyait câlinement. Il symbolisait ainsi, sans le savoir, l’étrange renversement des rôles, qui voulait que, dans cette liaison, il eût toujours représenté l’élément féminin, avec sa frêle personne, son innocence entière, la candeur de ses émotions craintives. Certes, elle était bien femme aussi, par sa démarche souple, par la finesse féline de ses manières, par ses yeux fondus, qui se donnaient à chaque regard. Elle paraissait pourtant une créature plus forte, mieux armée pour la vie que le délicat enfant, œuvre fragile de la tendresse de deux femmes pures, qu’elle avait enlacé d’un si léger tissu de séduction, et qui, à peine plus grand qu’elle de trois lignes du front, s’abandonnait avec une fraternelle confiance ; et le mouvement même de leur démarche, d’une parfaite harmonie de rythme, disait assez la complète union des cœurs qui les faisait vibrer ensemble à ce moment d’une étroite manière. Ils rentrèrent. Le dîner qui suivit cet après-midi de songe fut silencieux et presque sombre. Il semblait que tous deux eussent peur l’un de l’autre. Ou bien seulement était-ce chez elle une recrudescence de cette crainte de déplaire qui lui avait fait différer jusqu’à cette heure l’abandon de sa personne, et chez lui la farouche mélancolie, dernier signe de l’animalité primitive, qui