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ménager ses nerfs trop vibrants qu’elle l’avait entraîné à cette promenade, durant laquelle le grandiose spectacle, le vent du large et les marches à pied à de certaines minutes maintenaient et lui et elle au-dessus des troubles inévitables du trop ardent désir ? Ils allèrent ainsi, jusqu’à l’heure tragique où les astres éclatent dans le ciel nocturne, tantôt cheminant sur les galets, tantôt remontant dans la petite voiture, prenant et reprenant sans cesse les mêmes sentiers, sans pouvoir se décider à retourner, comme s’ils eussent compris qu’ils retrouveraient d’autres instants de bonheur, mais d’un bonheur comme celui-là, jamais ! L’obscure intuition de l’âme universelle, dont les visibles formes et les invisibles sentiments sont le commun effet, leur révélait, sans qu’ils s’en rendissent compte, une secrète analogie et comme une correspondance mystique entre la face particulière de ce coin de nature et l’essence indéfinie de leur tendresse. Elle lui disait : « Être auprès de toi ici, c’est un bonheur à ne pouvoir ensuite rentrer dans la vie ! » et il ne souriait pas d’incrédulité à cette phrase, comme elle ne doutait pas lorsqu’il lui disait : « Il me semble que je n’ai jamais ouvert les yeux sur un paysage avant cette minute. » Et quand ils marchaient, c’est lui qui prenait le bras de Thérèse et