Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/87

Cette page n’a pas encore été corrigée

elle eut subitement peur. Elle se leva de sa chaise et vint s’asseoir aux pieds du jeune homme, la tête sur ses genoux. Puis, comme il continuait à ne pas bouger, une inquiétude passa dans ses yeux, et, docilement, avec ce son de voix vaincu auquel nul amant n’a jamais résisté : « Si tu savais, » dit-elle « comme je tremble de te déplaire ? J’ai pleuré, hier au soir, toute seule, au coin de ce feu, dans cette chambre où je t’attendais, en songeant que tu m’aimerais sans doute moins après être venu ici. Ah ! tu m’en voudras de t’aimer trop et d’avoir osé ce que j’ai osé pour toi… » L’angoisse à laquelle la charmante femme se trouvait en proie était si forte qu’Hubert vit ses traits s’altérer un peu tandis qu’elle prononçait cette phrase. Le drame moral qui s’était joué en elle depuis le commencement de cette liaison se formulait pour la première fois. Surtout à cette minute, le voyant si jeune, si pur, si dépourvu de brutalité, si selon son rêve, elle éprouvait un insensé besoin de lui prodiguer les marques de sa tendresse, et elle tremblait plus que jamais de l’effaroucher, peut-être aussi, — car il y a de ces replis étranges dans les consciences féminines, — de le corrompre. Elle continuait, se livrant au plaisir de penser haut sur ces choses pour la première fois : « Nous autres femmes,