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quartier de la Glacière. D’autres fois, ils s’étaient promenés, indéfiniment, en voiture, le long du morne talus des fortifications, et lorsque l’heure arrivait de rentrer, c’était toujours Thérèse qui partait la première. Il la voyait, caché lui-même dans le fiacre arrêté, qui, de son pied svelte, franchissait les ruisseaux. Elle marchait sur le trottoir sans qu’une tache de boue déshonorât sa robe, puis elle se retournait comme involontairement pour l’envelopper d’un dernier regard. Dans ces occasions-là il sentait trop bien quels dangers il faisait courir à cette femme ; mais quand il lui parlait de ses craintes, elle répondait en secouant sa tête d’une expression si aisément tragique : « Je n’ai pas d’enfants… Quel mal peut-on me faire, sinon de te prendre à moi ?… » Ils en étaient venus, bien qu’ils continuassent à ne pas s’appartenir entièrement, aux familiarités de langage dont s’accompagne la passion partagée. Ils s’écrivaient chaque matin des billets dont un seul eût suffi pour établir que Thérèse était la maîtresse d’Hubert, et cependant elle ne l’était point. Mais, à quelque détail que s’arrêtât le souvenir du jeune homme, il trouvait toujours qu’elle ne lui avait disputé aucune des marques de tendresse qu’il lui avait demandées. Seulement il n’osait rien concevoir au delà de lui prendre les mains, la taille, le