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lui, ce matin-là, les marches creusées qui tournent autour du pilier de pierre. Elle s’arrêta une minute pour respirer ; il la soutint dans ses bras, et comme elle se renversait doucement en appuyant la tête sur son épaule, leurs lèvres se rencontrèrent. L’émotion fut si forte qu’il pensa mourir. Ce premier baiser avait été suivi d’un autre, puis de dix, puis d’autres encore, si nombreux qu’ils n’en savaient plus le nombre. Oh ! les longs, les angoissants, les profonds baisers, et dont elle disait tendrement, comme pour se justifier dans la pensée de son doux complice : « J’aime les baisers comme une petite fille !… » De ces voluptueux baisers, ils avaient ainsi peuplé follement tous les asiles où leur imprudent amour s’était abrité. Hubert se souvenait d’avoir embrassé Thérèse, assis tous les deux sur une pierre de tombeau, dans une allée déserte d’un des cimetières de Paris, tandis que le jardin des morts étendait autour d’eux, par une matinée bleue et tiède, son paysage funèbre d’arbres toujours verts et de sépulcres. Il l’avait embrassée encore sur un des bancs de ce parc lointain de Montsouris, un des plus inconnus de la ville, parc alors nouvellement planté, qu’un chemin de fer traverse, que domine un pavillon d’architecture exotique et autour duquel s’étend l’horizon d’usines du lamentable