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cela n’hésiterait-elle pas à compromettre pour jamais son bonheur en voulant l’étreindre trop vite ? Thérèse obéissait-elle à cette raison de prudence, ou bien trouvait-elle dans les respects brûlants de son ami un plaisir de cœur d’une nouveauté délicieuse ? Chez tous les hommes qu’elle avait rencontrés avant celui-ci, l’amour n’était qu’une forme déguisée du désir, et le désir lui-même une forme enivrée de l’amour-propre. Toujours est-il que, durant les mois qui suivirent ce premier aveu, elle accorda au jeune homme chacun des rendez-vous qu’il lui demanda, et chacun de ces rendez-vous demeura aussi essentiellement innocent qu’il était clandestin. Tandis que le train de Boulogne emportait Hubert vers la plus désirée de ces rencontres, il se ressouvenait des anciennes, de ces passionnantes et dangereuses promenades, hasardées presque toutes à travers le Paris matinal. Ils avaient ainsi aventuré leur naïve et coupable idylle dans les divers endroits où il semblait le plus invraisemblable qu’une personne de leur monde pût les rencontrer. Combien de fois avaient-ils visité, par exemple, les tours de Notre-Dame, où Thérèse aimait à promener sa grâce jeune parmi les vieux monstres de pierre sculptés sur les balustrades ? À travers les minces fenêtres en ogive de la montée, ils regardaient