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tantôt dans le tumulte de la rue, emportée par son cheval bai cerise et inclinant sa tête à la portière par un geste gracieux. Le souvenir de cette voiture déterminait chez Hubert une nouvelle association d’idées, et il revoyait l’instant où il avait, pour la première fois, avoué le secret de ses sentiments. Mme de Sauve et lui s’étaient, ce jour-là, rencontrés vers les cinq heures dans un salon de l’avenue du Bois-de-Boulogne, et comme la pluie commençait à s’abattre, intarissable, la jeune femme avait proposé à Hubert, venu à pied, de le reconduire dans sa voiture, ayant, disait-elle, une visite à faire près de la rue Vaneau, qui lui permettrait de le déposer sur le chemin, à sa porte. Il avait pris place, en effet, auprès d’elle dans l’étroit coupé doublé de cuir vert où traînait un peu de cette atmosphère subtile qui fait de la voiture d’une femme élégante un petit boudoir roulant, avec les vingt menus objets d’une jolie installation. La boule d’eau chaude tiédissait sous les pieds ; sur le devant, la glace posée dans sa gaine attendait un regard ; le carnet placé dans la coupe, avec son crayon et ses cartes de visite, parlait de corvées mondaines ; la pendule accrochée à droite marquait la rapidité de la fuite de ces minutes douces ; un livre entr’ouvert et glissé à la place où l’on met d’ordinaire