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Thérèse plusieurs fois par semaine. Mais n’avait-il pas été présenté peu à peu chez elle à toutes ses amies, et, aussitôt ses cartes déposées, ne l’avait-on pas prié de toutes parts dans ce monde qu’il connaissait à peine et qui se composait, pour une partie, de hauts fonctionnaires du régime tombé ; pour une autre partie, de grands industriels et de financiers Israélites ; pour un tiers enfin, d’artistes célèbres et de riches étrangers ? Cela faisait une libre société de luxe, de plaisir et de mouvement, dont le ton devait beaucoup déplaire au jeune homme ; car, s’il n’en pouvait comprendre les qualités d’élégance et de finesse, il en sentait bien le terrible défaut : le manque de silence, de vie morale et de longues habitudes. Ah ! il s’agissait bien pour lui d’observations de ce genre, préoccupé qu’il était uniquement de savoir où il apercevrait Mme de Sauve et ses tendres yeux. D’innombrables heures se représentaient à lui où il l’avait rencontrée : — tantôt chez elle, assise au coin de son feu vers la tombée de l’après-midi et abîmée dans une de ses taciturnes rêveries ; — tantôt en visite, habillée d’une toilette de ville, et souriant, avec sa bouche d’Hérodiade, à des conversations de robes ou de chapeaux ; — tantôt sur le devant d’une loge de théâtre et causant à mi-voix durant un entr’acte ; —