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un sentiment trop naturel à ceux dont l’enfance a grandi dans une atmosphère de féminine gâterie. Habitué par les deux nobles créatures qui avaient veillé sur sa jeunesse à toujours associer l’idée de la femme à quelque chose d’inexprimablement délicat et pur, il était immanquable que l’éveil de l’amour s’accomplît chez lui dans une sorte de religieuse presque et de respectueuse émotion. Il devait étendre sur la personne qu’il chérirait, quelle qu’elle fut, la dévotion conçue par lui pour les saintes dont il était le fils. En proie à cet étrange déplacement d’idées, il avait, dès ce premier soir, et rentré chez lui, parlé de Thérèse à sa mère et à sa grand’mère, qui l’attendaient, dans des termes qui avaient dû éveiller la défiance des deux femmes. Il le comprenait aujourd’hui. Mais quel est le jeune homme qui a pu commencer d’aimer sans être précipité par la dangereuse ivresse des débuts d’une passion dans des confidences irréparables et trop souvent meurtrières à l’avenir même de son sentiment ? De quelle manière et par quelles étapes ce sentiment avait-il pénétré en lui ? Cela, il n’aurait pas su le dire. Lorsqu’une fois on aime, ne semble-il pas qu’on ait aimé toujours ? Des scènes s’évoquaient cependant et rappelaient à Hubert l’insensible accoutumance qui l’avait conduit à voir